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"Je suis fier d'être paysan"

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Un terrible accident de voiture n’a pas découragé son ambition. Jodael Berdié, paraplégique, élève 300 porcs Noirs

de Bigorre à Miramont d’Astarac. Une belle histoire de courage et d’abnégation.

Il est né dans la ferme, à Miramont-d’Astarac, propriété de sa famille depuis trois générations. Mais adolescent, c’est de théâtre dont le jeune Jodael rêvait. Raison pour laquelle il rejoignait le lycée Maréchal Lannes de Lectoure et sa section théâtre. Il y décrochera ce fameux bac littéraire et déclamera sur les planches du bahut Lomagnol. « Le théâtre me plaisait, sourit-il, mais je n’imaginais pas une vie professionnelle de comédien. En revanche, le soir en m’endormant, j’imaginais décliner ce côté artistique sur notre propriété agricole. Quelque chose de culturel avec des accents touristiques. Pourquoi pas créer un lac, un camping, une petite base de loisirs, une salle pour accueillir des petits spectacles de théâtre ou de musique ? » Le gamin de la fin des années 90 se laisse emporter par ses rêves les plus fous. Le bac en poche, il poursuit tout de même dans la filière agricole « mais avec un BTS obtenu à Périgueux, le moins agricole qui existe », plaisante le Gersois. Une formation en développement rural qui n’est pas très éloignée de ses projets de l’époque. « En réalité, j’ambitionnais de travailler pour une association ou une collectivité territoriale au sein desquelles j’aurais pu monter des dossiers de développement », précise-t-il. « Cinq jours par semaine dans un bureau, face à un ordinateur, ce ne serait pas pour moi. J’avais envie d’être à l’oeuvre de mon propre projet » Mais le premier stage professionnel, dans le cadre de son BTS, lui ouvre les yeux sur une réalité qu’il n’avait pas encore croisée : « J’ai compris que travailler cinq jours par semaine dans un bureau, face à un ordinateur, ce ne serait pas pour moi. J’avais envie d’être à l’oeuvre de mon propre projet ».

Dès lors, s’installer sur la propriété familiale devient d’actualité. De leurs côtés, les parents ne mettent pas de pression particulière à Jodael.
« Mon projet est né lors d’un stage à l’installation chez un éleveur de Porcs Noirs de Bigorre. C’est vraiment lui qui m’a mis le pied à l’étrier, c’est là aussi que j’ai commencé à me passionner pour cette race », se souvient l’éleveur. « Une année de rééducation et de réflexion plus tard, ma décision était prise, je poursuivrais mon élevage de porcs » Le jeune Miramontais s’installe en 2008. Aux côtés des vaches Mirandaises du papa, il créé son premier atelier de porcs noirs, « des animaux sympas, dociles, un élevage en plein air. » Dans la foulée, il intègre le collectif des éleveurs de Porcs Noirs de Bigorre, une AOC prestigieuse qui cherchait un engraisseur. Le garçon est adoubé. « Un bel atout pour débuter », reconnait-il. L’aventure démarre sous les meilleurs auspices. Lorsque en 2010 Jodael est victime d’un très grave accident de la route. Le verdict est sans appel. Paraplégique, le Gersois se retrouve en fauteuil roulant. « A l’évidence, j’ai été obligé de me remettre en question. Pourrais-je continuer mon activité professionnelle ?
Une année de rééducation et de réflexion plus tard, ma décision était prise, je poursuivrais mon élevage de porcs ». Incroyable choix aux yeux de certains, témoignage  d’une force magnifique pour d’autres, Jodael redémarre son activité professionnelle, sa vie.
« Au début très doucement, puis petit à petit j’ai avancé ». Au point de compter aujourd’hui non pas un, mais cinq parcours d’élevage sur 15 hectares, pour 300 porcs par an élevés dans sa propriété. Dire que le Gersois est combattif relève de l’euphémisme.
Il tire de son histoire la moindre once de positif pour avancer. « C’est vrai que d’avoir commencé cet élevage avant mon accident est une chance. Je connaissais le métier, le savoir-faire, les animaux. Tout cela m’a aidé par la suite.

Avec le recul, je peux dire que sans cette expérience avant l’accident je n’aurais sans doute pas poursuivi ». Jodael reconnait par ailleurs que l’AGEFIPH (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), lui a été d’un soutien précieux. « Grâce à son aide, on a pu acheter une « mule ». Il s’agit d’un quad adapté qui me permet d’aller dans les champs, de travailler au milieu des animaux ».
Un engin sur lequel l’éleveur embarque les personnes qui travaillent avec lui. Que ce soit son ouvrier (embauché à temps partiel) ou son père, certes à la retraite mais qui lui donne un coup de main. Une mécanisation qui aide Jodael dans son quotidien, mais qui
ne lui suffit pas : « J’aimerais avoir un tracteur pour réaliser moi-même quelques travaux de types fenaisons. »

« Dans la vie, les barrières que l’on rencontre ce sont celles que l’on se pose à soi-même »

On l’imagine, et le Miramontais l’avoue sans détour, la frustration de ne pouvoir travailler aussi librement qu’il le faisait avant son accident est souvent présente. « Lorsque que vous êtes éleveur vous avez besoin d’être au contact de vos animaux, explique Jodael. Ce
manque de proximité est un peu frustrant. » Pour le reste, qu’il s’agisse du boulot administratif ou d’aller animer un stand de vente sur un marché, le quarantenaire est là.
De même lorsqu’il s’agit de transporter les animaux à l’abattoir. « Disons que l’on trouve toujours une solution, plaisante-t-il. Et il est vrai que les gens sont souvent surpris de ce que je peux réussir à faire. » Par pudeur, Jodael ne dit pas que bon nombre de ces collègues témoignent aussi d’une admiration certaine à le voir évoluer dans ce milieu.
Lorsqu’il regarde les quinze dernières années écoulées, il arrive que Jodael se demande « Mais qu’estce que tu fais dans cette aventure ? ». Avant que son optimisme et sa foi en l’avenir ne reprennent le dessus. « Je ne me voyais pas rester sans rien faire et je
suis fier de m’être battu, je suis fier d’être un paysan. Certes il serait plus facile d’être céréalier qu’éleveur », rigole-t-il.  Très heureux d’accueillir régulièrement des stagiaires, il leur délivre un message qui ne souffre d’aucun commentaire : « Dans la vie, les barrières que l’on rencontre ce sont celles que l’on se pose à soi-même. »

Tout est dit de ce jeune éleveur qui voit dans le travail collectif, le meilleur moyen de compenser le handicap