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Interview : Thomas, deuxième ligne-éleveur

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Depuis l’âge de 12 ans, Thomas Rançon porte les couleurs de Lombez-Samatan. Avec son père, il exploite la propriété familiale forte de plus de 150 vaches. Rencontre.

Et vous croyez que c’est facile vous ?

Élever un troupeau de plus de 150 têtes, gérer 380 hectares de terre, s’entraîner trois fois par semaine, jouer le dimanche et le tout… en pleine Coupe du monde de rugby. Thomas éclate d’un rire communicatif.

Le gamin de Sauveterre, sur la propriété familiale dont il est « au moins » la cinquième génération, est bien dans ses bottes… lorsqu’il n’est pas dans ses chaussures à crampons.

Tout gamin déjà il rêvait de travailler sur la propriété. « J’ai toujours aimé vivre au rythme de la ferme, reconnaît-il. Enfant, j’accompagnais souvent mon père, d’autant que sur la propriété vivaient mes grands-parents. C’était aussi l’occasion de passer un moment avec eux. Le soir après l’école, durant les vacances, je participais aux travaux des champs. » On l’aura compris, le petit Rançon n’imaginait rien d’autre qu’une vie d’agriculteur. D’ailleurs, c’est à Beaulieu-Lavacant, le lycée agricole gersois, qu’il passera son BAC STAV (sciences et techniques de l’agronomie et du vivant).

Un lycée Beaulieu où le rugby occupe une grande place chez les lycéens. L’ovale, il l’a découvert à Samatan, dans le club de la ville la plus proche de son village. « J’avais une douzaine d’années. A la maison, on a toujours aimé le rugby, et puis les copains jouaient à Samatan. Alors je les ai suivis. » Début d’une passion pour ce sport qui dans le Gers, comme dans bon nombre de contrées du Grand Sud, s’impose très souvent aux jeunes.

A Beaulieu, il y croisera de futures stars du rugby français. A commencer par Antoine Dupont et sa génération qui firent d’abord les beaux jours du FCA (comme on disait encore) avant de revêtir les premières tuniques tricolores. « Nous étions juniors et eux cadets. On se croisait et échangeait quelques mots. Mais nous avions compris qu’un jour ils feraient parler d’eux », sourit Thomas. « Nous sommes équipés en conséquence et bien organisés », lâche la deuxième ligne qui n’a jamais connu une autre équipe que celle de Lombez - Samatan.

Après Beaulieu, direction Toulouse où le Gersois de Sauveterre décrochera un BTS production végétale. De solides études à l’issue desquelles Val de Gascogne, où il effectuait un stage, lui propose un emploi de magasinier. Banco. Une aventure de 8 mois seulement avant que l’appel de la propriété familiale ne soit le plus fort. « C’est vrai que j’ai très vite eu envie de retourner sur l’exploitation familiale. Il faut dire que l’opportunité d’acheter de nouvelles terres, de signer des fermages, m’ont décidé. »

Et en 2016, Thomas s’installe aux côtés de son papa qui poursuit l’aventure avec lui. Sur une belle propriété en polyculture élevage 160 têtes dont la moitié de mères et 380 hectares pour cultiver du blé (dur, tendre, amélioré), du tournesol. Mais aussi du maïs pour compléter la nourriture des animaux. A eux deux, père et fils Rançon, ils font tourner « la boutique ». Ils peuvent compter sur des coups de mains du petit frère Arnaud, étudiant vétérinaire de 21 ans, « et qui finira par s’installer un jour, lui aussi », imagine Thomas.

Du boulot, il n’en manque pas à la propriété. « Mais nous sommes équipés en conséquence et bien organisés », lâche le deuxième ligne qui n’a jamais connu une autre équipe que celle de Lombez - Samatan. Le rugby ? « Pas question de le mettre entre parenthèse, commente l’éleveur. Même si concilier les deux n’est pas toujours aisé avec les trois entraînements de la semaine, les matchs le week-end. Je fais le maximum pour ne pas rater les entraînements. Parfois, j’arrive un peu en retard mais les coachs sont compréhensifs. »

Jouer en Fédérale 1 impose en effet des sacrifices. «  Heureusement, mon père prend le relais et compense parfois côté boulot. Il aime le rugby pour y avoir goûté jeune. Du coup il sait que c’est important pour moi et fait le maximum pour me permettre de poursuivre ma passion. Et le dimanche, il vient me voir jouer », s’amuse Thomas.

Mais comment ne pas retrouver ses partenaires « qui sont tous des amis » ? Des potes qui ne manquent pas de le chambrer. « Pour eux je ne fais rien de la journée. Agriculteur n’est pas un vrai métier à leurs yeux. Bien sûr c’est du chambrage ! » Bon, et en plus, cette saison, la Coupe du monde est à la maison. « C’est vrai que ça rajoute un peu de piment et prend un peu de temps supplémentaire. Pour le match d’ouverture face aux Blacks, le club avait organisé une soirée. Et à partir des quarts de finale, rebelote, on va suivre ensemble tous les matchs de la France. Jusqu’en finale… »

« Du haut de ses 28 ans, Thomas espère aligner quelques saisons encore sous le maillot rouge et blanc de son club de toujours. Et fêter dans quelques jours, avec tous ses amis de Lombez - Samatan, un premier titre mondial. »

Pas l’ombre d’un doute, les Bleus de Galthié iront au bout et décrocheront cette coupe tant convoitée. « On a une équipe très bien armée et le fait de jouer en France va les galvaniser », pronostique Thomas.

Alors oui, Thomas arrive à mener de front sa passion du rugby à un joli niveau et à conduire une belle exploitation agricole avec son papa. C’est pourquoi il encourage les jeunes qui douteraient : « je pense que dans la vie il faut oser pour ne pas avoir de regrets plus tard. Avec une bonne organisation, du travail, mais aussi beaucoup de plaisir à la clé, on y arrive. » Y compris à avoir une vie perso, même si là encore des concessions sont à envisager.

Mais ce n’est pas un problème pour ce grand gaillard de 1m93 et 105 kg qui peut compter, « le dimanche lorsqu’on joue à domicile », sur la présence de sa compagne (qui bosse dans le marketing), dans les tribunes du stade. Du haut de ses 28 ans (bientôt 29), Thomas Rançon espère aligner quelques saisons encore sous le maillot rouge et blanc de son club de toujours. Et fêter dans quelques jours, avec tous ses copains de Lombez - Samatan, un premier titre mondial pour la France.