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Des abeilles ils font leur miel

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Jean-Pierre et Nicolas Buffo, à Vic-Fezensac, se passionnent pour leurs quelques huit-cents ruches. Malgré les difficultés, les apiculteurs poursuivent la production de miel.

On l’écouterait des heures entières. Jean-Pierre Buffo est intarissable dès lors que l’on évoque les abeilles, l’agriculture et, au-delà, sa vie d’homme au plus près d’une nature dont il constate, impuissant, une évolution de moins en moins compatible avec son activité. La vie de sa famille, sur la propriété de « Durme », à Vic-Fezensac, Jean-Pierre la raconte sans fard et avec quelques accents nostalgiques. « Notre fermeexiste depuis plusieurs générations, lâche-t-il. Elle est née avec mon grand oncle avant que mon père ne poursuive. Une petite propriété de sept hectares, cinq vaches, quelques céréales et du foin. Un peu de vigne. Une ferme restée en l’état jusqu’en 2000. » Jean-Pierre se souvient de son enfance. « Le soir après l’école je grimpais sur le vieux tracteur Massey de 48 chevaux et je faisais un peu de labour pour aider les parents. »Jean-Pierre deviendra lui aussi agriculteur. « Mais pour faire vivre ma famille j’ai également travaillé à La Poste, à Paris, Auch, Toulouse. A temps partiel et de préférence la nuit pour avoir du temps en journée. »

Son destin bascule en 1974. Lorsqu’il recueille un essaim d’abeilles dans une haie. « J’étais attiré par les abeilles, un ami de mon père possédait trois ruches et nous portait du miel. » A la surprise de beaucoup d’observateurs pessimistes, il sauve les abeilles recueillies en leur préparant luimême un sirop. Début d’une belle aventure. Petit à petit, Jean-Pierre est appelé pour récupérer des essaims.
Parallèlement il prend des cours jusqu’à devenir assistant sanitaire dans le domaine de l’apiculture. Mandaté par les services vétérinaires il intervient de plus en plus fréquemment pour contrôler les ruches et les traitements dans les champs de la région. le Vicois livre de croustillantes
anecdotes, comme ce jour où, flanqué d’un huissier « un propriétaire nous a menacés de nous lâcher les chiens ». Nicolas, son fils, est depuis quelques années déjàdans l’aventure. Jean-Pierre de son côté, son fils de l’autre, ont acquis des terres voisines. Les 7 hectares familiaux sont devenus près de 110. Sur lesquels poussent des légumineuses : trèfle blanc et hybride, luzerne, lotier, sainfoin. Des éleveurs d’ovins pyrénéens viennent « entretenir » la propriété : « c’est le meilleur désherbant et en plus les moutons nous fournissent un engrais naturel », sourit Jean-Pierre. Un espace idéal pour les abeilles.

Les Buffo n’hésitent pas à faire plus de 30 000 km par an. Ils vont notamment en Dordogne, entre prairies et forêts, à la recherche de châtaigniers qui offriront un miel de qualité.

Les Buffo comptent aujourd’hui environ 800 ruches. Une production à laquelle Nicolas participe grandement. « Ma première ruche je l’ai eue à 8 ans, expliquet- il. Et dès l’âge de 14 ans je travaillais avec mon père dans la miellerie. » Inutile d’en rajouter quant à la passion qui anime le jeune Buffo. Son Bac STAE en poche, il rejoignait sans tarder l’activité familiale. Depuis plus de vingt ans, père et fils développent leur entreprise. Avec des hauts et des bas. « Entre 2006 et 2020 nous avons perdu l’équivalent de 600 ruches, se désole Nicolas. La faute à des traitements phytosanitaires mal maîtrisés qui ont entraîné des destructions irréversibles de colonies. » 

Alors les Buffo n’hésitent pas à faire plus de 30 000 km par an pour trouver les espaces naturels les plus adaptés à leurs abeilles. C’est ainsi qu’ils vont en Dordogne, entre prairies et forêts, à la recherche de châtaigniers qui offriront un miel de qualité. Les apiculteurs vivent au rythme des saisons. « L’hiver nous conservons nos ruches dans des endroits secs et à l’abri du vent. Dès le printemps nous alternons. Nous commençons par le colza du Gers, avant les châtaigniers de Dordogne, puis un retour auprès des tournesols. Entre temps nous réalisons des essaims artificiels pour reproduire nos abeilles. L’année dernière, par exemple, nous avons réalisé 550 essaims artificiels pour seulement 200 colonies supplémentaires. »

De l’avis des apiculteurs, « les abeilles qui restent dans le Gers souffrent de plus en plus. Les problèmes se multiplient. Outre certains traitements qui tuent nos abeilles, nous devons désormais composer avec le changement climatique et des chaleurs trop élevées. Le tournesol, par exemple, connait des rendements moindres et, par conséquence, des difficultés de butinage. » Alors, de nombreuses questions taraudent les Vicois. « C’est vrai que l’avenir n’est pas très encourageant, reconnait Nicolas. On se demande sérieusement s’il ne faudra pas rapidement transporter nos ruches dans le Nord. Dans cette région les rendements en miel sont plus de deux fois supérieurs au nôtre. »

Malgré les difficultés, une passion intacte

Aux yeux de Jean-Pierre, les contraintes environnementales ne sont pas les seules. « Malheureusement, les banques ne nous aident pas. On nous a refusés d’augmenter la capacité de notre miellerie et de nous équiper. Or, nous aurions besoin de matériels plus adaptés. Ou encore d’acheter un camion qui nous permettrait d’être plus efficace dans nos déplacements.» « Aujourd’hui le banquier est incapable de faire confiance à notre expérience, à notre travail, à nos capacités. Il n’a qu’une vision comptable », déplorent père et fils. Leur colère, ils l’ont manifestée lors du dernier mouvement des agriculteurs. « Nous sommes allés dans deux supermarchés vider les rayons de pots de miel venus d’Ukraine, d’Argentine, d’Espagne… Des miels de piètre qualité pendant que les nôtres (Ndlr : ils vendent leur production (entre 13 et 20 tonnes selon les années) à des négociants) partent dans des pays à fort potentiel d’achat comme la Suisse ou le Qatar ». S’il leur arrive d’avoir le bourdon, notamment lorsqu’ils se battent contre les invasions de frelons asiatiques qui détruisent leurs colonies, les Buffo gardent une foi inébranlable en leur démarche. Il y a quelques jours, le préfet du Gers est venu saluer leur travail. Le président de la Chambre d’agriculture aussi. Ils ont encouragé Nicolas qui réalise lui-même plusieurs centaines de ruches à partir de bois acheté dans les Landes. Des encouragements qui estompent un peu une période difficile. Jean-Pierre et Nicolas savent que le chemin est difficile, mais leur passion reste intacte.

Photo : @Buffo