Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Cette utopiste avec ses vaches bizarres

Cette utopiste avec ses vaches bizarres

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

A Sabazan, Françoise Touyet élève une vingtaine de vaches béarnaises. Une passion à fleur de peau qu’elle revendique pleinement. Rencontre.

En cette soirée de novembre, seuls les projecteurs de l’étable plantée à Cap de Coste offrent un repère au visiteur. Précédée par son chien et acclamée par un troupeau d’oies joyeuses, Françoise apparait. Souriante.
Bienvenu dans sa ferme.

Ou plutôt dans son espace qu’elle semble protéger du haut de sa trentaine d’années.
Le sourire et les yeux pétillants annoncent la couleur au visiteur : la rencontre est un plaisir que Françoise aime partager.
Une nouvelle occasion de raconter sa passion.
Françoise Touyet est fille d’agriculteur. Avec des origines gersoises mais aussi béarnaises (par
sa maman).

« Mais c’est dans le Gers que je vis et que je me sens bien », lance-t-elle en forme de boutade. Elle a grandi dans la ferme familiale avec, toute petite déjà, l’idée de poursuivre cette histoire agricole.
Sans surprises, elle suit des études en accord avec cette ambition. Au collège et lycée agricole de Riscle où elle choisit une formation viti-oeno jusqu’à l’obtention d’un BTS. « Disons que j’aime bien la vigne et le vin et que je ne savais pas trop ce que je voulais faire. »


En revanche, quelques détails prouvent déjà que la jeune femme nourrit une certaine vision de l’agriculture, de la vie tout simplement. Pour ses années BTS, qu’elle va mener en formation en alternance, elle opte pour un viticulteur de la région de Béziers « parce qu’il travaillait sa vigne avec un cheval. A la maison aussi j’avais connu ce mode de travail, et j’ai toujours aimé les animaux. » Un détail qui n’en est pas un. Quelques années plus tard, en 2019 précisément, Françoise a « l’opportunité de s’installer ». Ses parents, et particulièrement sa maman Brigitte, élèvent des brebis. Sa soeur Marie-Catherine est spécialisée dans l’élevage de chèvres. Pour Françoise, se seront les
bovins.


Une façon aussi, « de ne pas être comme les autres ». Petit à petit Françoise se sépare de ses Blondes et achète des Béarnaises.
« A côté de notre propriété familiale, une ferme avec un élevage de Blondes d’Aquitaine était à vendre, j’ai profité de l’occasion », explique-t-elle. La jeune femme se lance. « J’adore les vaches, s’empresse d’ajouter Françoise, mais pas forcément la race.
J’ai envie de contribuer à la sauvegarde de cette race menacée.Cette utopiste avec ses vaches bizarres Blonde d’Aquitaine. »

L’info est lâchée, la Gersoise a un faible pour la race béarnaise. Une question d’héritage familial ?  « Sans doute un peu, plaisante-t-elle. Ma tante élevait des vaches béarnaises, à son décès j’en ai racheté plusieurs. Disons que j’apprécie la rusticité de ces vaches et surtout, j’ai envie de contribuer à la sauvegarde de cette race menacée de disparaitre. » Une façon aussi, « de ne pas être comme les autres ». Petit à petit, Françoise se sépare de ses Blondes et achète des Béarnaises.

Aujourd’hui, son élevage de 20 mères compte 14 Béarnaises. « Ce n’est pas énorme mais vous savez, on ne recense en France (et principalement en Béarn) qu’environ 500 vaches béarnaises pour près de 70 éleveurs. » 

Une petite « famille » à laquelle la Gersoise est fière d’appartenir. Et un Béarn à qui Françoise confie ses animaux trois mois par an. « C’est vrai. Ma mère, ma soeur et moi sommes adeptes de la transhumance.

Tous les étés nous rejoignons la vallée d’Ossau, le col de Magnabaigt, où nos 300 brebis, 40 chèvres et mes vaches vont passer plusieurs mois en altitude, au pied du Pic du Midi d’Ossau ».
« Ma mère et ma soeur restent avec les animaux sur place. Parce qu’il y a les brebis à traire et la confection du fromage. Avec mon père nous nous chargeons du ravitaillement et ramenons les fromages qui sont vendus à la ferme.»
Tout comme le veau élevé par Françoise qui lui aussi est commercialisé en vente directe. « C’est un domaine dans lequel je dois beaucoup évoluer, sourit- elle. Ok je suis passionnée par les animaux mais la partie commerciale, ce n’est pas mon truc.

Dans quelques temps je commencerai à vendre aussi du boeuf, mais le cycle est plus long que pour le veau. Cela me laisse le temps de structurer mon approche commerciale. » Pour l’heure, la viande produite à Cap de Coste trouve du succès auprès de clients locaux, conquis par la qualité des veaux que bichonnent l’éleveuse.

« Le commerce est un vrai métier, poursuit Françoise. Je vais faire des efforts. »

« Je suis très bien avec mes vaches, et cela suffit largement à mon bonheur. Je vis un peu au jour le jour sans avoir la moindre idée de ce que sera mon avenir. » Pour l’heure, du haut de ses 33 ans, la jeune femme ne gâche pas un plaisir évident : « je suis très bien avec mes vaches, et cela suffit largement à mon bonheur. Je vis un peu au jour le jour sans avoir la moindre idée de ce que sera mon avenir. »

Un avenir qui ne la préoccupe absolument pas. « Mon avenir est au milieu des vaches (rires).»

Le travail avec des animaux est très exaltant, analyse Françoise. La vache a beaucoup de caractère, elle a besoin d’avoir la confiance de son éleveur, et réciproquement ». Elle parle de ses vaches comme elle parlerait de ses enfants : « Vous avez raison, rigole-t-elle. Je les écoute, leur parle, je vis avec elles » … 365 jours par an. « C’est vrai aussi, mais j’arrive, grâce au service remplacement à m’échapper un peu. Des amis me remplacent aussi, mes parents me donnent un coup de main lorsqu’ils sentent que j’en ai besoin. Et ainsi je peux aller faire un restaurant avec des copines ou un ciné. »

A celles et ceux qui hésiteraient à se lancer sur le chemin de l’agriculture, elle dit sans détour : « osez ! Il faut tester, essayer ces métiers pour ne pas avoir de regrets. »

Économiquement, après quatre années, Françoise admet que « la situation commence à être intéressante. Disons que j’ai la chance d’être en GAEC familial. Cela m’a aidé au départ. »

Françoise poursuit son aventure ambitieuse de faire (mieux) connaitre la race béarnaise. Et se souvient avec un sourire nostalgique cette phrase entendue dans le voisinage lorsqu’elle s’est installée : « c’est qui cette utopiste avec ses vaches bizarres ? »

Photo Françoise Touyet