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C'est le consommateur qui a le pouvoir

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A l’occasion de la dernière session de la Chambre d’agriculture, une passionnante table-ronde au sujet de la production biologique a pointé une situation difficile. Sans détours.

« En gros, c’est la m**** ! Alors comment s’en sortir ? » C’est mal connaître le journaliste - animateur - éditeur Olivier Dauvers d’imaginer qu’il allait garder sa langue dans la poche ou proposer une langue de bois dont il n’a jamais fait usage. Bien au contraire, l’ancien élève du lycée Sainte Marie l’Oratoire à Auch, le diplômé de l’école Purpan à Toulouse, l’animateur matinal de RTL, le spécialiste de la grande distribution, a immédiatement annoncé la couleur. Face à une assistance qui oscillait entre plaisir de recevoir un langage vrai, et difficulté à encaisser certaines de ces vérités. Chiffres et argumentations à l’appui (-13% pour les ventes de bio cette dernière année),
le journaliste a lancé en préambule : « arrêtez de faire porter la responsabilité à d’autres que le consommateur et vous. Qui a le pouvoir ? Le distributeur ? Non, c’est le consommateur. » « Or, précise Olivier Dauvers, le gâteau de la consommation ne grossit plus, notamment en raison d’une population qui n’augmente plus. Et comme l’intérêt est de vendre des produits valorisés, il ne peut exister d’animosité entre le bio et la grande distribution (GD). » Pour s’en convaincre ? « La GD affiche deux fois plus de produitsbio qu’il n’y en a dans  les paniers des acheteurs. La grande distribution n’est pas l’ennemi du bio », assène le journaliste et propose « d’aller  chercher l’ennemi ailleurs ».  Aux limites de la psychologie et de l’étude sociologique, il explique que le consommateur est « un frustré » de ne pouvoir acquérir tout ce dont il rêve. Et dénonce l’idée selon laquelle « nous serions tous égaux ». Une démonstration pour dire que tous les consommateurs ne peuvent avoir accès aux produits bio.

« La valeur du bio est mal comprise et très challengée par les consommateurs. »

Par ailleurs, Olivier Dauvers a démontré que « la valeur du bio est mal comprise et très challengée » par les consommateurs. Ceux-ci sont attirés par des produits « qui se font mieux comprendre alors qu’ils ne sont pas bio ». (Exemple de la tomate 100% neutre en carbone en provenance d’Afrique du Nord). Olivier Dauvers a également appuyé là où cela fait mal : « le bio est excluant et ne justifie pas assez sa valeur ». Et un peu plus tard dans le débat il enfoncera le clou : « depuis plus de vingt ans « les bio » disent « nous on est les bons, vous, vous êtes des c*** ». Cette posture d’une filière incapable de descendre de son piédestal a été désastreuse. Aujourd’hui, il faut redescendre dans l’arène pour refaire le match.

« On nous a fait croire  que le bio était l’avenir de la bouffe. Quelle c*******.  Ce n’est pasdans la vraie vie. »

Le spécialiste de la consommation a également pointé « un consentement à payer (plus cher pour le bio) bousculé par l’inflation ». Et parle, non pas d’un pouvoir d’achat en baisse qui n’est pas selon lui la réalité, mais « d’une perte du pouvoir d’achat alimentaire ». Pour Olivier Dauvers, « l’inflation n’est pas la cause, elle n’a fait qu’accentuer le désamour. La crise du bio a démarré avant. » Autre « leçon » qu’Olivier Dauvers tire de cette crise : « une grande illusion sur le potentiel du marché. On nous a fait croire que c’était l’avenir de la bouffe. Quelle c*******. Ce n’est pas dans la vraie vie. Le bio a touché son asymptote. Le bio n’est pas l’avenir de la consommation, le bio ne
concerne qu’une partie des consommateurs. » Ce long exposé proposé par le journaliste Dauvers a laissé place ensuite à l’échange avec les autres intervenants et les personnes présentes à la session. Pour Olivier Ladevèze,
président d’Agribio Union (qui regroupe 1500 producteurs bio d’Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), « l’important est de partir du marché. Nous devons aller chercher des clients puis nous retourner vers la production. Alors, nous
pouvons les inciter à se lancer dans telle ou telle production. » « Parce que nous sommes toujours rattrapés par le marché, a -t-il insisté. Aujourd’hui, celui du bio ne pèse que 6%. Nous devons êtes proactifs, ce que nous n’avons jamais été jusqu’à maintenant. » Nancy Faure, directrice d’Interbio Occitanie, reste optimiste : « il y a de l’avenir pour le bio. Nous avons des territoires qui possèdent tout ce qu’il faut pour faire du bio, avec des perspectives de plus-values pour les producteurs. Nousdevons rester leader. »

« Le consommateur n’achète pas du bio pour sauver la planète mais pour ne pas crever. »

Xavier Duffau, producteur en bio et président des Jeunes Agriculteurs du Gers, invite à être « plus communiquant » pour ne pas « subir la conjoncture ». « Il faut se souvenir pourquoi nous sommes passés en bio. Aujourd’hui nous
ne progressons pas assez dans nos modes de production. Sans doute faut-il aussi faire évoluer le cahier des charges. » Joël Boueilh, président des Vignerons coopérateurs de France, préfère revenir sur les propos chocs d’Oliver Dauvers au sujet de la posture de la filière bio : « nous avons subi trop longtemps une communication désastreuse de certains spécialistes du bio. Or qui connait l’incroyable énergie que doit avoir un vigneron bio pour produire son vin ? » Si Olivier Dauvers admet la remarque il rappelle que le distributeur « n’est pas là pour valoriser le bio. » Et le journaliste de
provoquer une fois encore son auditoire : « le consommateur n’achète pas du bio pour sauver la planète mais pour ne pas crever. » Remarque plus personnelle (peut-être) pour Jean-Claude Fitère (association de consommateurs) pour qui « le bio doit être bon (au goût) parce qu’il est plus cher ». Dans la salle, producteurs bio et promoteurs du « manger bio » participent aussi aux débats autour de l’idée (qui fait l’unanimité) que « les collectivités publiques
doivent davantage s’engager sur la voie du bio dans la restauration collective. »


« Si les cours de conventionnel sont meilleurs que ceux du bio, que va-t-il se passer ? Je ne le sais pas. »

Tous les présents pointent « l’équilibre fragile des exploitations bio » et en appellent à l’État pour des aides ponctuelles, rapides et efficaces. La question de la « dé-conversion » vient également dans le débat. Avec des prévisions « de 20% » lancées par Olivier Ladevèze, qui jette un froid. « Sans compter les « mises en retrait » qui pourraient atteindre 15%. Si les cours de conventionnel sont meilleurs que ceux du bio, que va-t-il se passer ? Je ne le sais pas »,  lâche circonspect le président  d’Agribio. Francis Villemur, agriculteur bio, rappelle à l’assistance : « quand nous sommes passés en bio c’est que nous ne nous en sortions pas en conventionnel… ». Plus prosaïque, Christian Cardona ajoute : « à force de nous donner des aides pour passer en bio, on y est allé. Or le marché n’existe pas. L’idée que demain on va manger bio et labellisé est faux. Et nous risquons de perdre notre auto-suffisance. » Et Xavier Duffau de proposer quant à lui « d’être capable de dire aujourd’hui à un jeune de ne pas se lancer dans le bio parce que le marché n’est pas là. » Bernard Malabirade (voir l’éditorial) a salué « l’excellente tenue de ce débat sur un dossier très difficile », et alors que, session oblige, il a balayé une actualité difficile (virus MHE sur les bovins, difficultés des viticulteurs, crise aviaire et vaccination des animaux), le président de la Chambre d’agriculture a redit toute l’énergie de son équipe et de lui-même à obtenir des aides conséquentes de l’État.

En conclusion de cette matinée, le conseiller départemental Dominique Gonella (représentant le président Philippe Dupouy) a assuré aux agriculteurs que le Département « conscient de la situation, fera tout pour être au
rendez-vous ». Quant au préfet, Laurent Carrié, il a confirmé « des aides conséquentes en direction du bio pour éviter la dé-conversion » et assuré que « l’agriculture gersoise est (sa) priorité. Je mettrai tout en oeuvre pour trouver des solutions. »

légende photo : Xavier Duffau, nancy fauré, Olivier ladevèze, Olivier Dauvers et emmanuel Lecomte